Dernier voyage à Rochebonne
NICOLAS CAMOISSON
Nicolas T. Camoisson naît en France en 1974. Arrivé au Moyen-Orient à 9 ans, il vit entre la Syrie et le Liban pendant 22 ans. D’abord attiré par le documentaire, il se tourne vers l’image fixe et travaille comme photographe de presse et reporter de guerre. En 2008, il réalise Noria Al-Salam, œuvre de 16,50m pour l’exposition internationale de Zaragoza. Il a publié de nombreux ouvrages dont Réinventer l’école sur les camps de réfugiés syriens. Arabisant et calligraphe, il intervient après les attentats de Charlie Hebdo dans des centres de détention auprès des détenus radicalisés. En 2022, il suit une formation de marin au Lycée maritime de La Rochelle, et commence une enquête sur le monde de la mer et de la pêche dans le cap de Gascogne. Il est aujourd’hui basé à Bordeaux.
Dernier voyage à Rochebonne
L’année 2023 a été marquée par la célébration du bicentenaire de la lentille de Fresnel. À cette occasion, plusieurs commandes m’ont été adressées. J’ai souhaité avant tout rendre hommage au monde de la mer, à ces hommes qui œuvrent nuit et jour pour assurer la maintenance des phares et balises, tout en mettant en valeur le patrimoine architectural précieux que sont les lentilles de Fresnel. Proches de nos côtes, on dénombre 3300 bouées et balises qui nécessitent une maintenance régulière à cause de la corrosion engendrée par le sel marin.
Une première mission sur le chenal vers Bordeaux à bord du baliseur Gascogne m’a permis de découvrir leur métier. Équipé de la tête au pied, bien visible par tout l’équipage pour répondre aux normes de sécurité, j’ai été impressionné par la difficulté des manœuvres et les risques encourus. Après ces deux journées, l’équipage m’a proposé de les accompagner sur le plateau de Rochebonne, un haut-fond entre 3 et 5 mètres à environ 30 milles des côtes des Sables d’Olonne. J’ai alors été un témoin privilégié de ce qui allait être la dernière mission du Gascogne, fidèle compagnon des Phares et Balises du Verdon-sur-Mer depuis 20 ans. Le Gascogne a été vendu aux enchères, au Port de la Palice, le 18 octobre 2023.
La photographie de Nicolas Camoisson, qui s’attache au mouvement, nous emmène sur le pont de ce bateau sans bord où, avouons-le, nous ne nous sentons guère à l’aise. Nous sommes impressionnés par la taille de cette énorme balise qu’il faut nettoyer périodiquement car elle sauve la vie des marins, par la longueur de la chaine qui la retient, tout autant que par la force et la tranquillité des hommes qui font ce travail indispensable et dangereux. |